Complexité
- Par Françoise PARINAUD
- Le 30/10/2021
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- Dans Notre Vie Quotidienne
Qu'il est complexe le rapport à la nourriture quand on ne peut plus manger! Mon précédent billet ayant amené réactions et réflexions sur le sujet, j'y reviens.
Je précise tout d'abord que je ne suis pas le porte-paroles des personnes gastrostomisées et que je m'exprime en mon nom propre.
Notre diététicien référent, Reynald Etienne, distingue 2 catégories parmi ses patients: ceux qui ne voient pas l'intérêt de maintenir le lien avec la nourriture et ceux qui ne veulent pas s'en passer. J'en ajouterais une 3ème: ceux qui ne "peuvent" pas s'en passer.
J'ai tout d'abord appartenu à la 1ère catégorie avant d'entrer dans la 3ème. Pendant les 1ères années de ma gastrostomie, je me suis coupée de tout ce qui se mange et se boit. Lorsque recevant famille ou amis, je devais me mettre aux fourneaux, je le vivais comme une épreuve pour moi et une preuve d'affection pour eux. Après l'expérience particulièrement éprouvante d'un interminable dîner de réveillon, où mon absence de voix ne permettait même pas de participer à la conversation, je m'étais jurée que l'on ne m'y reprendrait plus et déclinais désormais toutes les invitations où il fallait passer à table.
Cette stratégie d'évitement de la nourriture me demandait un effort constant car, passées les années de lutte contre la maladie et la santé revenant, revenait aussi l'envie de manger. Je luttais contre elle jusqu'au jour où, après des fêtes de fin d'années, mes proches étant repartis en laissant une boîte de chocolats fins, je n'ai pas résisté au plaisir d'en mettre un dans la bouche. Secondes de bonheur intense suivies par une difficulté à résoudre: impossible d'avaler, mon oesophage étant complètement bouché! Le chocolat a fini dans les toilettes.
Mais la pompe était amorcée. Le plaisir de mettre en bouche un aliment que j'aimais était tel que je n'allais plus y renoncer. Alors je me suis organisée. Puisque j'étais obligée de recracher ce que je mettais en bouche, j'ai acheté des petits sacs de congélation en plastique qui m'évitaient de passer par les toilettes.
Chaque jour, depuis une quinzaine d'années, je me fais ainsi des moments de plaisir gustatif qui apaisent ma frustration et ont aussi l'avantage de faire travailler ma mâchoire.
Bien entendu ce "va et vient" de la nourriture est réservé à mon intimité. Je n'en inflige pas le spectacle à mon entourage, aussi compréhensif soit-il.
Ce matin, je suis allée au marché où j'ai acheté de belles pommes "Pink Lady" et un morceau de tomme. Je les croquerai ce soir en regardant la télévision et en partageant un morceau de fromage avec ma petite chienne Séraphine.
Bon week-end de la Toussaint à vous tous!
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