Probiotiques: doutes sur leur efficacité
- Par Françoise PARINAUD
- Le 16/10/2021
- Commentaires (3)
- Dans Notre Alimentation
Membre actif de notre association, Aline Denhez a assisté à un congrés de la Société Française de Nutrition et s'est intéressée à plusieurs communications sur les probiotiques, ces bactéries bénéfiques pour notre flore intestinale. J'ai fait une synthèse du compte-rendu que m'a adressé Aline avec une tentative de réponse à la question: faut-il prendre ces probiotiques, très à la mode, en supplément à notre alimentation?
Un grand nombre de personnes souffrent du syndrome d'Intestin Irritable, le SII. Ce syndrome, qui se traduit par des maux de ventre, des ballonements ou des diarrhées ou encore des constipations, serait dû au déséquilibre de la bio-diversité de notre flore intestinale, le microbiote. Selon une étude sur des patients souffrant de SII, 70% présentaient un microbiote différent d'un microbiote considéré comme "sain": moindre richesse bactérienne mais surreprésentation de certaines bactéries comme les Clostridium, fonctionnement différent des bactéries communes etc... Suffirait-il alors d'ingérer des probiotiques, des bonnes bactéries, pour rétablir l'équilibre de notre milieu intestinal?
Tout d'abord, rappelons la définition des probiotiques: ce sont de bonnes bactéries que l'on trouve notemment dans les aliments fermentés comme les yaourts ou la choucroute. L'industrie pharmaceutique en a fait des synthèses qu'elle commercialise sous forme de médicaments. Médicaments qui toutefois ne sont pas assujetis à l'Autorisation de Mise sur le Marché et donc échappent au verdict des essais thérapeutiques.
A propos d'essais thérapeutiques, certains scientifiques ont voulu avoir le coeur net sur la soi-disant efficacité des probiotiques et ont procédé à des études en double aveugle probiotiques contre placebo sans que l'efficacité des premiers soit apparue. Ces essais ont été publiés il y a quelques années dans de grandes revues scientifiques faisant autorité.
Aline Denhez nous donne quelques règles à observer avant de se lancer dans une cure de probiotiques:
- Se fier à son médecin plutôt qu'à son pharmacien qui, lui, a intérêt à vendre telle ou telle référence de tel ou tel labo en fonction de ses relations avec eux.
- Privilégier les produits qui ont fait l'objet d'études cliniques et vérifier les informations fournies par le laboratoire: nom des bactéries, garantie qu'elles resteront vivantes jusqu'à la date de péremption.
- Choisir entre prendre une seule souche ou plusieurs. Il semblerait que pour le syndrome de l'intestin irritable une association de plusieurs souches soit plus efficace. Si l'on utilise une seule famille, les plus efficaces seraient: lactobacillus plantarum, lactobaccillus rhamnosus, Eschericia coli, bifidobactéries etc...
- Tester plusieurs probiotiques pour comparer leur efficacité
- Le mode de prise a aussi son importance ainsi que la durée de la cure: 1 mois minimum.
Un grand merci à Aline pour ces informations!
Commentaires (3)

- 1. | 19/11/2021

- 2. | 28/10/2021
Merci pour ce topo très intéressant.
Je pense qu'il faudra toujours distinguer la population générale qui ingère des microbes à longueur de journée, des gastrostomisés dont l'alimentation est stérile. En période de diarrhées aigües, en cas de nutrition entérale, une cure d'ultralevure a prouvé son efficacité (ref en bas de post),
Ensuite, comme tout milieu écologique, notre microbiote dépend de trop de facteur pour pouvoir espérer le changer avec une pilule. Il faudra sans doute que nous soyons diplomates et pédagogues quand débarquera la montagne de pseudo scientifiques qui voudront tout guérir, du diabète au cancer, avec des souches de bacilles.
Reynald
+Schlotterer M, Bernasconi P, Lebreton F, Wassermann D. Intérêt de
Saccharomyces boulardii dans la tolérance digestive de la nutrition
entérale à débit continu chez le brûlé. Nutr Clin Metabol 1987;1:31–4.
+Tempé JD, Steidel AL, Bléhaut H, Hasselmann M, Lutun P, Maurier F.
Prévention par Saccharomyces boulardii des diarrhées de
l’alimentation entérale à débit continu. Sem Hop Paris 1983;59:
+ Bleichner G, Bléhaut H, Mentec H, Moyse D. Saccharomyces boulardii prevents diarrhea in critically ill tube-fed patients, A multicenter,
randomized, double-blind placebo-controlled trial. Intensive Care
Med 1997;23:517–23.

- 3. | 18/10/2021
Merci Françoise pour ce billet résumant quelques topos sur le sujet. Petite précision . Lors des études cliniques, certaines souches de probiotiques ont bien montré une efficacité, et ce sont ces probiotiques là qu'il faut privilégier. Ceci dit, cela ne présume pas de l'efficacité chez un individu donné : tout dépendra du microbiote "hôte" que le supplément probiotique(ou pré-..) va trouver. C'est la question de l'effet positif, complémentaire ou néfaste de l'association des bactéries/probiotiques du microbiote entre elles/elle. Depuis près de 20 ans, le nombre de bactéries probiotiques ou prébiotiques bien connu des chercheurs es croissant, mais on est loin de connaitre les 10 000 milliards de bactéries, réparties en 400 espèces (pour un microbiote "sain") en moyenne. D'où des effets variables d'une personne à l'autre et l'intérêt d'essayer plusieurs produits.
Rappelons aussi que la transplantation fécale, objet d'un intérêt grandissant dans les nombreuses pathologies se manifestant par une dysbiose (microbiote appauvri) , vise à transférer à grande échelle l'ensemble du microbiote intestinal d'une personne ayant un microbiote "sain" vers un patient dont le microbiote appauvri est une des causes de sa maladie. Actuellement, la transplantation de microbiote n'est validé que pour une maladie.
Notons que certains chercheurs plaident maintenant pour que les probiotiques soient soumis à l'AMM , donc à des études cliniques approfondies systématiques avant leur commercialisation. Cela garantirait une meilleure efficacité , voire -rêvons un peu - un remboursement par la sécurité sociale.
Merci Reynald pour votre retour qui pose la très intéressante question -peu explorée- du microbiote des patients sous nutrition entérale . Sans être médecin, je me dis que la NE contenant lipides, protéines et glucides, en plus d'autres nutriments tout aussi indispensables (oligo-éléments, vitamines ....) ces composants doivent forcément apporter aussi de bonnes bactéries au microbiote intestinal (probiotiques) , ou nourrir (prébiotiques) les bactéries déjà installées, même si , inévitablement, le microbiote d'un patient sous NE exclusive doit être moins diversifié que celui d'une personne ayant une alimentation "conventionnelle". Si l'on prend l'exemple des préparations enrichies en fibres, c'est évident puisque les fibres se transforment en acides gras à chaîne courte (propionate, butyrate , acétate) qui sont des probiotiques. J'en avais parlé il y a quelques années au professeur Déchelotte, nutritionniste et président de la SFNCM, qui avait reconnu qu'il y avait peu d'études sur le sujet, et donc peu de données, mais que c'était là un beau sujet de recherches ! Je pourrais lui en reparler .
Par ailleurs, je suis bien d'accord avec vous sur la méfiance à avoir vis à vis de pseudos médecins et vendeurs de rêves qui prétendraient soigner leurs patients par une pilule miracle de probiotiques. Actuellement, vaste et fructueux sujet de recherches, mais pas assez de certitudes cliniques. Fuir tout autant ceux les labos proposant à prix d'or des analyses de microbiote....
La transplantation fécale n'est d'ailleurs validée que pour une maladie : l'infection à Clostridium difficile où elle est un traitement bien plus efficace que les antibiotiques. Ca s'explique par le fait que c'est une maladie où l'infection a pour seule cause une bactérie bien connue, la clostridium difficile, que la TMF va supprimer facilement. Pour toutes les autres maladies liées à une multitude de causes, dont la dysbiose (déséquilibre du microbiote intestinal), impossible d'affirmer que la transplantation peut être un traitement. Ceci dit, c'est un sujet d'études passionnant qui se développe et qui amènera de nouvelles connaissance essentielles dans les années à venir.
La recherche sur les pro et prébiotiques, un sujet d'avenir !!