Affaires de gros sous
- Par Françoise PARINAUD
- Le 14/01/2023
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- Dans Notre Alimentation
Je me suis souvent étonnée que contrairement à ses homologues étrangers, le corps médical français ne propose jamais aux personnes en nutrition entérale de se nourrir avec une seringue plutôt qu'avec une pompe. Début d'explication...
Interrogée sur ce sujet aux Journées Francophones de Nutrition, la responsable d'un service de nutrition d'un important CHU m'avait répondu qu'effectivement ce mode d'alimentation n'était jamais abordé par son service et que les patients qui faisaient le choix de la seringue en prenaient eux-mêmes l'initiative une fois sortis de l'hôpital.
Ce comportements de spécialistes de nutrition entérale est certes à mettre au compte de la pesanteur des habitudes mais pas que. Est à prendre en considération un facteur que, personnellement, j'ignorais et qui m'a été révélé par un informateur bien placé: facturer des pompes de nutrition rapporte plus d'argent aux services hospitaliers et aux prestataires de services que facturer des seringues dites "de gavage". De ce fait, ni les uns ni les autres ne proposent l'alimentation par la seringue aux patients qui pourraient légitimement en bénéficier. Tous les gastrostomisés ne sont pas concernés mais, si seulement 20 à 30% le sont, cela représente quelques milliers de personnes dont la qualité de vie serait transformée.
Ces considérations financières s'appliquent également aux sondes gastriques mais en sens inverse. Le bouton de gastrostomie si discret et si pratique coûte nettement plus cher que le tuyau qui sort de l'estomac. Or les hôpitaux ont un budget pour ce type de matériel. S'ils posent plus de boutons que de tuyaux, ils explosent leur budget. D'où une sélection des patients: plus vous êtes jeune, actif et autonome, plus vous avez de chance que l'on vous pose un bouton.
Pour résumer ces considérations financières apparemment contradictoires, et si j'ai bien compris, on a d'un côté une technique, la seringue, qui fait économiser de l'argent mais du coup réduirait le montant du budget octroyé aux hôpitaux et aux prestataires de services par l'Assurance Maladie si elle se généralisait et de l'autre, une avancée technologique, le bouton, qui, si tout le monde en bénéficiait, creuserait un peu plus le déficit de la sécurité sociale. On pourrait naïvement penser que ces budgets s'équilibreraient sauf que ce ne sont pas des vases communiquants. Ce que l'on retire de l'un ne bénéficie pas à l'autre.
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