Le question/réponse de Reynald: gastrostomie et polyhandicap (2)

Suite et fin

L'alimentation par sonde des personnes handicapées est plus complexe que celle des actifs. Interrogé par Virginie sur les problèmes que rencontre sa soeur Mélanie, atteinte de leucodystrophie, Reynald Etienne, notre diététicien référent, nous fait part de sa longue expérience et suggère des solutions.

3) L'estomac paresseux

" Il faut savoir si un diagnostic de gastroparésie ( ralentissement des mouvements de l'estomac destinés à pousser les aliments dans le tube digestif) a été posé.C'est un problème qui peut arriver en cas de diabète, avec certains médicaments ou en cas de leucodystrophie, par exemple. Il faut en discuter avec les médecins. Il existe des médicaments pour traiter ça mais qui ne marchent malheureusement pas toujours. Parfois un changement de produit nutritif peut aussi donner de bons résultats et améliorer la tolérance.

4) Le passage de la nourriture

"Si, et seulement si, il n'y a pas de gastroparésie, il faut peut-être revoir le schéma de passage de la nutrition entérale. A 70 ml/h, selon le volume que doit passer votre soeur, j'imagine qu'elle est branchée toute la journée ou presque. Elle a donc en continu un flot de nutrition entérale qui ne demande qu'à remonter à chaque mouvement. Une pause de 30' n'est peut-être pas suffisante, 1 heure serait mieux. Mais vous allez vous retrouver avec un problème insoluble: il n'y aura pas assez d'heures dans la journée pour tout passer. Il serait possible de mettre un mélange plus concentré pour diminuer le volume et le temps de passage. 

Quoiqu'il en soit, je ne pense pas qu'une diminution de la vitesse puisse être efficace. Le débit est déja très bas, à 60 ml/h vous allez retirer 3 gouttes de mélange toutes les minutes. Je ne crois pas que ça change grand chose.

Maintenant, nous allons sortir un peu des recommandations "habituelles" et passer à un autre niveau. Il faut bien comprendre que ce que je vais vous expliquer ci-dessous ne se retrouve pas dans les recommandations standard.

Il n'est pas très physiologique d'être alimenté en continu sur une journée. Chez de nombreux jeunes polyhandicapés, nous avons essayé de changer ça dans certains établissements spécialisés. Pour ce faire, il faut des équipes autour de vous qui soient informées et que tout le monde soit d'accord. Cette méthode est très utilisée en Belgique. Le but est de recréer artificiellement des mécanismes de digestion. Plutôt que de passer une alimentation en continu, on passe 2 ou 3 bolus ( une dose unique importante) dans la journée. On prélève environ 150 ml de liquide dans la poche, on les fait tiédir et on les passe en une fois à la seringue dans la sonde. Ensuite, on passe le reste de la poche en 1h maximum (débit à 360ml/h). On ne quitte pas des yeux le ou la patiente pendant cette période en guettant d'éventuels signes d'inconfort. En cas de reflux ou de vomissements, il va de soi que l'on abandonne. Si tout va bien, après le passage de la poche, on observe 2 h de de digestion sans change et sans transport.

Il faut bien comprendre qu'à 70 ml/h, le corps n'a pas conscience d'être alimenté. Le passage des nutriments se fait dans un tube digestif au repos. En revanche, lorsque l'on passe un bolus à la seringue, on distend les parois de l'estomac et le tube digestif se prépare à recevoir les nutriments. Ainsi on améliore la tolérance du patient à la nutrition entérale.

Pour résumer, 3 notions à retenir: 1) lutter contre la constipation; 2) les encombrements sont surtout provoqués par la salive; 3) une alimentation qui dure trop longtemps augmente le risque de reflux."

Voilà une mise au point qui devrait intéresser l'entourage des handicapés gastrostomisés mais aussi, et surtout, leurs soignants. Merci Reynald!

 

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