Amour , Sexe et Cancer
- Par Françoise PARINAUD
- Le 18/01/2020
- Commentaires (6)
- Dans Mon histoire
J'étais invitée, jeudi dernier, à participer à l'Institut Universitaire du Cancer de Toulouse (Oncopole) à une table ronde sur le thème "Sexualité et Cancers ORL". Les cancers ORL, avec 15000 nouveaux cas/an sont au 4ème rang des maladies cancéreuses en France. Nous étions 3 patients conviés par le professeur Virginie Woisard à apporter notre témoignage sur le sujet de l'intimité et de la sexualité lorsque l'on a subi une mutilation comme la laryngectomie. J'ai choisi de vous livrer le mien, texte qui a été lu par le Pfr Woisard puisque je n'ai plus de voix. Ce que vous allez lire est rigoureusement exact et confirme que rien n'est jamais tout à fait perdu.
J'ai coutume de dire que mon corps est un champ de bataille. Jugez plutôt: - une trachéotomie consécutive à l'ablation du larynx; -une gastrostomie, conséquence d'une radiothérapie ayant fermé mon oesophage; - un sein bousillé par une 1ère tentative de reconstruction de l'oesophage avec le muscle grand pectoral- un bon morceau de l'avant-bras gauche enlevé pour une 2ème tentative de reconstruction de l'oesophage- un grand rectangle de peau prélevé sur la cuisse pour recouvrir la partie manquante de l'avant-bras.
Ces tentatives ont échoué mais mon corps s'est enrichi d'une nouvelle palette de cicatrices à laquelle se sont agrégés les stigmates du temps. J'ai aujourd'hui 72 ans. Mon nez fonctionnel est dans mon cou, ma bouche dans mon ventre... En dépit de ces vicissitudes, communes à beaucoup de ceux qui traversent l'épreuve d'un cancer, j'ai toujours mis un point d'honneur à être aussi "présentable" que possible. Au plus fort de la maladie, j'avais le sentiment que si je lâchais ma part de féminité, le reste s'effondrerait. Je pensais et pense toujours qu'une certaine élégance atténue l'impact négatif de mes handicaps. Ainsi, j'attache ma canule avec des rubans de couleur assortis à ma tenue. C'est un détail mais il me remet dans la normalité. Bref! Je sauve les apparences et ça ne marche pas si mal. Jusqu'au jour où un homme, rencontré lors d'un voyage, s'est intéressé de beaucoup plus près à moi, et pas seulement à mon esprit. C'était il y a 5 ans. A l'évidence ma trachéo ne le rebutait pas. Mais il n'avait pas vu le reste! Au fil des jours, ses intentions se précisant, j'ai commencé à paniquer. Je lui ai alors annoncé l'étendue des dégâts, invisibles sous mes vêtements, et lui ai dit:" Quand tu me verras nue, tu partiras en courant!" Non seulement il n'est pas parti, mais il est toujours là. Mon amoureux aime mon corps balafré et vieillissant. Il l'aime et le désire et, dans ce domaine, un homme peut difficilement simuler... Il me dit souvent:" Tu es un modèle unique! J'ai beaucoup de chance de t'avoir dénichée!" Humour et amour, la combinaison gagnante!
Si j'ai accepté de raconter mon histoire, c'est d'abord pour témoigner que, 25 ans après la révélation du cancer, je suis toujours en vie et que j'ai une bonne vie; qu'après une pause de 3 décennies et à un âge "canonique", ma sexualité s'est réveillée. Le plaisir de la chair est venu se substituer aux plaisirs de la chère, ceux-là à jamais disparus.
Pour terminer, je voudrais vous rapporter ce petit échange avec mon médecin traitant quand je lui ai demandé, il y a 5 ans, de me prescrire un traitement hormonal substitutif:
- " Et pourquoi faire? me demanda-t-il en ouvrant des yeux comme des soucoupes.
- Pour baiser, docteur!"
Commentaires (6)
Et puis, clin d'oeil, à 48 ans, multi-appareillée , vous me donnez l'espoir de rompre enfin un jour le célibat , c'est donc possible !
Comme Reynald, je confirme , votre compagnon a beaucoup de chance !
Pour avoir rencontré Françoise en vrai, je vous confirme que son homme a beaucoup de chance ;-)